« Comment j’ai cru vivre pendant 20 ans à côté d’un psychopathe »
A. , 25 ans, vit aujourd’hui à Montréal. Avant de partir outre-Atlantique, elle vivait dans une petite ville proche de Lyon. Passionnée, comme nous, de films d’horreurs et de mystères, A. revient aujourd’hui sur une histoire de son enfance. Une histoire de paranoïa et de voisinage qui a durée plus de 20 ans. Ce voisin habitait une maison délabrée, aux volets et aux fenêtres fermés en permanence. Le jardin y était en friche et cet homme très mutique ne semblait sortir de chez lui que pour aller au travail… Comportement étrange et peu avenant, il pouvait rester des heures au volant de sa voiture sans bouger, le regard fixe, avant de rentrer chez lui et il sortait chaque jour, des dizaines de sacs poubelles. Bref, une histoire qui commence comme un film d’horreur.
A. revient aujourd’hui au micro de Madame Renard, pour nous donner sa version et s’interroger sur la définition de normalité.
Combien de temps as-tu vécu à cette adresse ?
Il s’agit de ma maison d’enfance, j’y ai vécu durant les 21 premières années de ma vie avec mes parents et mon petit frère, avant de quitter le nid familial pour les études.
Est-ce que ce voisin habitait là avant tes parents et toi ?
Personne ne sait vraiment depuis quand il occupait cette maison, la zone ou on habitait était assez peu résidentielle, avec principalement des locaux d’entreprises. Nos rares voisins étaient un couple de retraités arrivés quelques années après mes parents, et une famille qui habitait plus loin dans la rue. On suppose qu’il a toujours vécu ici.
Quand as-tu commencé à avoir peur de lui ? Est-ce que tu as un souvenir précis enfant ?
Je devais avoir 8-9 ans, on jouait au basket devant la maison avec mes cousins, et le ballon a malencontreusement traversé la rue pour atterrir dans le jardin du voisin. Aucun de nous n’a osé enjamber le portail ou même sonner pour demander à le récupérer, et on a fini par rentrer.
Je me souviens avoir regardé par la fenêtre avant de me coucher, j’apercevais le ballon dans la nuit, il était toujours planté au milieu de sa pelouse. Le lendemain matin, plus aucune trace du ballon … J’en avais parlé à mon père, qui était allé sonner chez le voisin le lendemain pour lui demander s’il avait récupéré notre ballon. Lorsqu’il est revenu, il nous a annoncé que le voisin n’avait jamais vu de ballon sur son terrain. Je me suis toujours demandé ce qu’il avait bien pu en faire.
Est-ce que tu as commencé à psychoter quand tu as commencé à regarder des films d’horreur ou c’était avant ?
Ma consommation accrue de films d’horreur a certainement alimenté ma psychose de ce voisin, mais d’aussi loin que je me souvienne ce type m’a toujours foutu les jetons ! Avec sa maison tout décrépie et ses vitraux au rez-de-chaussée, son jardin en friche et son grand portail en fer tout rouillé … Le cliché de la maison hantée, quoi.
Est-ce que tu peux nous parler de ce voisin et notamment de ce qui te fais peur chez lui ?
C’était un homme d’une cinquantaine d’année, sans aucune distinction physique particulière, un vrai monsieur-tout-le-monde. Il roulait dans une vieille Peugeot 205 vert clair avec une carrosserie toute abimée, la même durant les 20 années ou on l’a eu pour voisin. Tous les jours de semaine, il partait aux alentours de 7 heures le matin – pour aller travailler ou kidnapper des gens, je ne saurais dire – et revenait sur les coups de 18 heures. Il se garait juste devant son portail, alors qu’il disposait d’un grand garage, ce qui soulève tout de même quelques questions … Et puis il gardait ses volets constamment fermés, été comme hiver.
Le peu de fois où je l’ai vraiment croisé, il se montrait tout à fait cordial et souriant, en apparence rien qui puisse éveiller le moindre soupçon. Mais il y avait quelque chose d’indescriptible dans son attitude, dans son regard, qui me mettait extrêmement mal à l’aise. Il me donnait l’impression de porter un masque en permanence, avec ce sourire forcé et des petits yeux perçants qui faisaient froid dans le dos.
Quels sont les pires scénarios que tu as imaginés ?
On parlait de films d’horreur tout à l’heure, et bien j’ai été profondément marquée par le film Paranoïak avec Shia LeBeouf (très bon thriller, par ailleurs). Le héros épie son voisin, qui semble tout ce qu’il y a de plus normal, et *spoiler alert* s’avère être un bon gros psychopathe qui enterre des cadavres dans son sous-sol. Je crois que ça a éveillé en moi une réelle paranoïa justement, car je retrouvais beaucoup de similitudes entre le personnage de fiction et mon cher voisin … J’imaginais des trucs déments, comme une cave aménagée en salle de torture ou ce genre de délires atroces à la SAW.
Et c’est là que tu as décidé de mener l’enquête ?
Exactement, un peu comme Shia LeBeouf en fait. Je me suis investie d’une mission : déterminer si mon voisin était bel et bien un psychopathe ou si j’étais juste complètement parano. Du haut de mes 14 ans, j’ai usé de toutes les ressources à ma portée pour mener à bien cette enquête. J’ai commencé par noter ses allées et venues dans un carnet, puis j’ai piqué des jumelles à mon père pour observer toute activité qui semblerait suspecte. J’ai réussi à embarquer ma meilleure amie dans cette galère, la seule personne qui ait cru en mes théories fumeuses à l’époque. On a passé pas mal de soirées pyjama à se relayer au poste d’observation pour ne rien manquer. L’un de nos constats est qu’il sortait tous les soirs plusieurs sacs poubelles – beaucoup d’ordures ménagères pour quelqu’un qui vit seul … J’étais même allé fouiller quelques fois pour voir ce que contenaient ces sacs, mais pour la plupart, c’était de vieux journaux ou des mauvaises herbes. Ce qui est d’autant plus louche, c’est qu’en 20 ans il n’a absolument jamais entretenu son jardin. Mais je crois que le moment le plus flippant, c’est lorsqu’un soir j’observais la maison seule : la lumière d’une lampe filtrait à travers les volets de l’étage, et d’un coup une silhouette est passé furtivement derrière les volets, alors que j’avais vu le voisin partir en voiture quelques instants plus tôt ! Je me suis figée, en me demandant si je commençais pas à avoir des visions, mais j’étais certaine d’avoir vu quelqu’un. Evidemment quand j’en ai parlé autour de moi, personne ne m’a crue, et je n’ai plus jamais revu de silhouette étrange.
Est-ce que tu as eu l’occasion de lui parler lors de tes investigations?
Oui une fois, avec d’une de mes meilleures potes on l’a appelé en numéro masqué. Elle s’est fait passer pour une télé-enquêtrice, et lui posait des questions bidons du type « quel âge avez-vous », « êtes-vous le seul membre de votre ménage », et il répondait de manière tout à fait normale et détachée. C’était d’autant plus frustrant qu’on aurait juré qu’il savait qu’on lui tendait un piège, ça sonnait faux et en même temps il était convaincant dans ce rôle du mec au-dessus de tous soupçons.
En dernier recours, j’ai été jusqu’à demander à ma tante, employée aux services publics, de rechercher son nom dans la base de données, prétextant que c’était le père d’une copine qui avait des soucis pour obtenir ses aides financières. Rien d’intéressant n’en est ressorti, et malgré des doutes subsistants je me suis résolue à laisser tomber.
Est-ce que tu en as fait part à tes parents ? Quelle a été leur réaction ?
De mes deux parents, ma mère était la plus réceptive a mes soupçons – mon père ayant toujours été d’un naturel ultra-pragmatique. Elle était d’accord sur le fait que ce type était franchement bizarre, voire flippant. Quand je leur ai dit que j’avais vu du mouvement a l’étage alors que le voisin n’était pas chez lui, ils cherchaient des explications rationnelles, comme « il héberge peut-être un proche, sa mère par exemple ». Quand bien même ça aurait été le cas, la personne en question aurait sans doute
Je ne leur ai jamais parler de mon enquête, pour ne pas les inquiéter, et puis parce que je n’ai jamais réussi à obtenir le moindre élément probant pour appuyer ma théorie.
A ton avis, pourquoi est-ce qu’il te faisait si peur ? Est-ce qu’avec du recul du trouves ça rationnel ?
Les peurs sont souvent irrationnelles, et celle-ci n’y fait pas exception. Pour autant, je reste persuadé que les Humains sont dotés d’un sixième sens face au danger, une sorte d’instinct de survie hérité du monde animal. Et clairement, mon sixième sens me disait de me méfier de ce type !
Bref, cette peur a toujours été bien présente, pour des motifs assez peu rationnels, et elle me suit encore un peu aujourd’hui puisque mes voisins actuels ne m’inspirent aucune confiance (mais je ne les surveille pas tous quand même).
Est-ce que tu pourrais dire que finalement cette histoire est devenue amusante, ou est-ce que vraiment tu en gardes un mauvais souvenir ?
Mes parents ont déménagé depuis, mais la légende du voisin psychopathe perdure et fait bien marrer mes proches. J’avoue que je préfère le prendre à la légère aussi, en me disant qu’il est plus probable que mon imagination d’ado ait pris le dessus sur la réalité, et que cet homme est juste un peu bizarre au regard de nos critères sociaux.
N’empêche, personne ne pourra m’enlever l’idée que les plus grands psychopathes sont ceux que l’on ne soupçonne le moins, et une partie de moi espère que quelqu’un finira par découvrir son terrible secret. Et ce jour-là, je pourrai dire a tout le monde: JE LE SAVAIS !
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Nous avons tous des critères subjectifs de ce que nous trouvons « normal ». C’est pourquoi il serait sans doute impossible de donner une définition universelle de la normalité. Mais à bien considérer les choses, dans chaque histoire de paranoïa, on se demanderait presque de quel côté se trouve la folie et le comportement étrange… Pardon A. !
[APPEL À TÉMOINS] Vous pensez aussi vivre à coté d’un psychopathe ? Vous avez vécu une histoire similaire ? Ou une expérience étrange, paranormale, flippante ? Vous avez regardé trop de films d’horreurs et vous ne pouvez vous empêchez de penser aux pires scénarios ? Vous avez envie de la raconter et de partager avec nous votre histoire ? Ecrivez-nous à : contact@madamerenard.com ou via les réseaux sociaux ! Nous serions ravis de l’écrire pour vous sur notre blog.